Société des Missions étrangères de Paris: 12 Juin 2014
Un rapport présenté le 10 juin dernier aux Nations Unies dénonce les violations persistantes des droits de l’homme au Laos. Parmi les nombreux exemples cités par l’organisation Human Rights Watch, la disparition du militant Sombath Somphone a été qualifiée de « particulièrement inquiétante ».
Le Laos, loin d’avoir progressé dans le domaine des droits de l’homme, a encore reculé, uge dans un rapport très critique Human Rights Watch (HRW). Le gouvernement poursuit ses restrictions des libertés fondamentales d’une façon drastique, justifiant l’attention de la communauté internationale.
Parmi les « faits particulièrement inquiétants », soulignés par Phil Robertson, directeur pour l’Asie de HRW, restent les disparitions inexpliquées de Sombath Somphone en décembre 2012 et de l’écologiste Sompawn Khantisouk, porté disparu depuis sa convocation au poste de police en janvier 2007. Sur ces points, comme sur toutes les questions touchant les droits de l’homme, « les autorités laotiennes défient la communauté internationale en refusant de répondre à ses inquiétudes légitimes concernant les nombreuses disparitions inexpliquées et autres abus qui se multiplient dans le pays ».
Le Laos sera pour la seconde fois sur la sellette lors de l’examen périodique universel (EPU) (1) qui se tiendra en octobre prochain devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève. Selon l’ONU, le gouvernement laotien n’a pas respecté les engagements pris lors de la précédente session de l’EPU en 2010. Le pays devait, entre autres, ratifier les conventions internationales concernant les droits de l’homme, mettre fin aux restrictions concernant la liberté d’expression, d’association et de réunion, garantir la liberté de la presse et mettre en conformité sa législation du travail avec les standards de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Parmi les différentes recommandations du Conseil des droits de l’homme figurait en bonne place la fin des abus commis dans les centres de détention pour drogue où sont internés, de force et sans procès, de nombreux Laotiens suspectés d’être des consommateurs de stupéfiants. Selon l’enquête de Human Rights Watch, ces détenus au statut particulier peuvent être emprisonnés pendant des mois, voire des années, « soumis à des traitements cruels et inhumains », sans aucun traitement médical. « Ces détentions forcées dans des centres comme celui de Somsanga, près de Ventiane, constituent de graves violations des droits de l’homme », accuse Phil Robertson.
Les mêmes illégalités prévalent dans tous les domaines de la vie civile, souligne encore l’ONG. Le gouvernement contrôle strictement tous les médias, et le Code pénal laotien interdit toute activité considérée comme pouvant « diffamer » ou « affaiblir » l’Etat.
« Les Laotiens vivent dans la peur de leur gouvernement car ils savent que les fonctionnaires de l’Etat peuvent agir dans une impunité quasi totale », dénonce encore Phil Robertson, qui rapporte que ceux qui se risquent à manifester se retrouvent la plupart du temps en prison. « Ce gouvernement brise systématiquement tout mouvement de dissidence et brandit des lois abusives pour empêcher toute contestation de ce pouvoir absolu », écrit-il.
De même, les travailleurs qui ne peuvent appartenir qu’aux syndicats contrôlés par l’Etat (au sein de la Fédération des syndicats du Laos, la LFTU), se voient refuser tout moyen de défense de leurs droits et ne peuvent utiliser leur droit de grève, poursuit le directeur pour l’Asie de HRW.
La liberté religieuse est quant à elle tout aussi gravement menacée, en particulier au sein des communautés chrétiennes. Depuis l’avènement du communisme en 1975 et l’expulsion des missionnaires étrangers, les activités religieuses sont très strictement contrôlées par les autorités. Selon les statistiques officielles, 67 % des Laotiens sont bouddhistes pour une population de moins de 2 % de chrétiens, parmi lesquels on ne compterait que 0,7 % de catholiques.
L’ONG cite pour exemple le cas récent de trois lycéens laotiens, âgés de 14 et 15 ans, qui ont été empêchés de passer leurs examens de fin de cycle dans la province de Savannakhet, située au centre du pays, uniquement en raison du fait qu’ils étaient chrétiens. Un incident qui est loin d’être un cas isolé.
Bien que la liberté religieuse soit inscrite dans la Constitution, de nombreuses vagues de répression antichrétiennes ont lieu régulièrement dans tout le pays avec une censure religieuse encore plus marquée au Nord, en particulier dans le vicariat de Luang Prabang, où l’administrateur apostolique, Mgr Tito Banchong Thopanhong, est le seul prêtre pour tout le territoire et où l’unique église sert de local à la police.
La situation s’est aggravée depuis la répression en avril 2011 des mouvements de protestation des Hmongs réclamant la liberté religieuse et la fin des spoliations de terrain, dans la région frontalière avec le Vietnam.
Ces derniers mois, l’ONG Human Rights Watch for Lao Religious Freedom (HRWLRF), basée aux Etats-Unis, a dénoncé de nombreuses apostasies forcées pratiquées à l’encontre des chrétiens par les autorités locales. Plusieurs communautés chrétiennes ont ainsi été sommées par les fonctionnaires de la province de Savannakhet d’abandonner leur foi et de « revenir aux pratiques animistes des anciens », sous peine d’être expulsées du village.
Tout comme la coercition en matière religieuse, les disparitions forcées (2) constituent une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Laos en 2009 qui interdit les arrestations et les détentions arbitraires, la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les exécutions extrajudiciaires, ou les sanctions à l’encontre des pratiques religieuses et autres exercices de « la liberté personnelle ».
Une nouvelle fois, le rapport de HRW fustige le silence des autorités laotiennes concernant la disparition de Sombath Somphone. Le militant des droits de l’homme (lauréat notamment du Prix Ramon Magsaysay) et fondateur du Centre de formation en développement participatif au Laos, a été vu la dernière fois à Vientiane le 15 décembre 2012.
« Un an après la ‘disparition’ de Sombath Somphone, avait déclaré Phil Robertson le 15 décembre dernier, le gouvernement laotien espère manifestement que le monde va simplement oublier ce qu’il est advenu de l’un des citoyens les plus éminents du pays. » Les dernières images de Sombath sont celles d’une caméra de surveillance devant un check-point où le militant a été arrêté le 15 décembre 2012. Peu après être entré dans le poste de police, on le voit être emmené dans une voiture par deux individus non identifiés.
Selon HRW, plusieurs délégations du Parlement européen, des diplomates étrangers basés à Vientiane ainsi que des représentants de gouvernements étrangers lors de visites officielles, ont soulevé le cas de Sombath auprès du gouvernement laotien, sans jamais recevoir de réponse.