RTL Info: 12 Décembre 2014
Deux ans après la disparition de Sombath Somphone, célèbre militant laotien, sa femme se désespère de savoir ses ravisseurs toujours impunis. Un cas loin d’être isolé en Asie du Sud-Est, où l’enlèvement est fréquemment utilisé pour imposer le silence aux contestataires.
“Faire disparaître quelqu’un est un crime particulièrement cruel. C’est très difficile de vivre avec cette inconnue”, explique à l’AFP lors d’un passage à Bangkok Ng Shui-Meng, Singaporienne à la voix douce, et qui vit au Laos depuis 30 ans.
Sous ce régime communiste autoritaire qui s’ouvre timidement ces dernières années, la disparition, le 15 décembre 2012, du fondateur de l’ONG Participatory Development Training Center (PADETC) a profondément choqué la société civile.
Mais aussi la communauté internationale: des personnalités telles que le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le sud-Africain Desmond Tutu ou Hillary Clinton ont réclamé une enquête. Car dans le cas de Sombath, l’enlèvement fait peu de doutes.
Des images prises par des caméras de vidéosurveillance le montrent en effet s’éloignant d’un poste de police avec deux individus non identifiés dans les rues de la capitale Ventiane.
Depuis ce jour, son nom est venu s’ajouter à une liste déjà longue de “disparus” de la région.
En Asie du Sud-Est, investisseurs économiques puissants et acteurs publics corrompus sont souvent accusés de faire disparaître leurs opposants. Et rien ne vient stopper le phénomène car les kidnappeurs savent que les risques d’être poursuivis sont très faibles.
Les associations de défense des droits de l’Homme estiment que des dizaines, voire des centaines, de personnes se sont volatilisées des rues d’Asie du Sud-Est ces 20 dernières années.
Rien qu’en Thaïlande, 81 dossiers pour disparition ont été ouverts depuis le milieu des années 90 d’après Angkhana Neelapaijit, de l’Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD), une ONG qui recense les disparitions.
Parmi les dossiers figure celui du mari d’Angkhana: Somchai Neelapaijit, président de l’Association des avocats musulmans et militant des droits de l’homme, a disparu depuis plus 10 ans après avoir porté des accusations de torture contre la police thaïlandaise.
“Sombath et Somchai ne sont pas les seuls. Il y en a beaucoup d’autres dans la région” mais leur cas “n’est jamais mentionné et n’a jamais reçu la moindre attention”, s’est désolée cette dernière lors d’une conférence jeudi à Bangkok.
– ‘Rayé de la carte’ –
Parmi ces cas restés dans l’ombre: Por Cha Lee Rakcharoen, connu sous le nom de “Billy”, n’a pas été revu depuis le 17 avril, après avoir été arrêté par les autorités locales à un poste de contrôle du parc national de Kaeng Krachan, dans la province de Petchaburi, au sud de Bangkok. Motif officiel: être en possession de miel récolté illégalement.
Mais ce militant devait rencontrer des villageois, membres comme lui de la minorité ethnique karen, pour les aider à préparer une action en justice contre des autorités qu’ils accusent d’avoir détruit les maisons de 20 familles dans le parc en 2011.
Au Cambodge, Khem Soprath, âgé de 16 ans, a disparu depuis janvier alors qu’il participait à une manifestation d’ouvriers du textile à Phnom Penh, qui a dégénéré. La police a ouvert le feu sur les protestataires et la dernière image de Khem le montre couvert de sang.
Pour autant la notoriété ne protège pas, comme le prouve le cas de Sombath. D’après les associations des droits de l’Homme et les diplomates, depuis juin 2013, les autorités laotiennes n’ont fourni aucune nouvelle information sur sa disparition.
“C’est comme si le nom de Sombath avait été complètement rayé de la carte”, se désole sa femme Ng Shui-Meng.
D’après Sam Zarifi, membre de la Commission internationale de Juristes (ICJ), les investigations des autorités laotiennes sont “complètement inadaptées”.
Ce “silence” est une tactique “utilisée par un nombre croissant de gouvernements dans la région”, dénonce Phil Robertson de Human Rights Watch (HRW) pour “instiller la peur au sein des communautés”.
Et cela semble fonctionner puisque la plupart des militants restent maintenant à l’écart des sujets controversés comme la saisie des terres ou les dégâts environnementaux causés par des entreprises toute puissantes.
Pour sa femme du militant laotien, “si l’enlèvement de Sombath était fait pour imposer le silence à la société civile et effrayer les gens, alors malheureusement cela a fonctionné”.